Discours de Stéphane DUBOIS lors de l’audience solennelle de rentrée du Conseil de Prud’hommes de REIMS

CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE REIMS

DEROULÉ DE L’AUDIENCE SOLENNELLE DU 25 JANVIER 2019

LE PRESIDENT SORTANT :

Merci, Monsieur le Procureur de la République. Je vous donne acte de vos réquisitions.

L’année 2018 s’est achevée et l’année 2019 débute dans un contexte de mécontentement et de mobilisation sociale très important. Après plusieurs années de déconstruction du droit du travail et de réforme de la justice en général, après une baisse évidente du pouvoir d’achat des travailleurs et des retraités, le gouvernement ne peut plus fermer les yeux sur l’état dans lequel ce dernier et ses prédécesseurs ont mis le pays.
Toutes les lois, ordonnances et décrets mis en œuvre par les gouvernements successifs peuvent donner l’impression d’une addition de mesures sans ordre ni logique, isolées les unes des autres.
Mais il n’en est rien, chacune concourt à renforcer une même visée politique, à savoir que l’affaiblissement des droits des salariés va favoriser l’emploi.
Aujourd’hui, nous pouvons juger de l’absence de résultat en matière de création d’emploi.
Par contre il est encore difficile de prendre la mesure de l’impact social global d’une telle dislocation du droit du travail. Les mobilisations sociales qui se sont développées dans tout le pays sont cependant un des effets évidents de ces mesures.
Le droit des relations collectives de travail a lui aussi été considérablement impacté par les réformes successives du droit du travail. On a assisté à une transformation des instances représentatives du personnel (IRP) dans le but certain de les affaiblir.
Nous assistons à la disparition des IRP telles que nous les connaissions, avec l’idée de créer des professionnels de la négociation, qui cumulent les prérogatives des anciennes instances avec des moyens amoindris, déconnectés du terrain, et surtout, sans attaches revendicatives et syndicales.
Dans le même temps, et l’un n’allant pas sans l’autre, la justice est sans cesse remise en question, la prud’homie ne faisant pas exception à la règle.
Soit c’est l’institution qui est frontalement attaquée par une modification de la carte judiciaire ou encore par la réduction des moyens alloués, soit des dispositifs permettent le contournement du juge, comme par exemple les modèles « prêts à l’emploi » de lettre de licenciement ou encore le barème pour les licenciements injustifiés qui permet à l’employeur de « budgéter » le risque de licencier sans motif. (…).
Concernant ces barèmes justement, les CPH de TROYES, AMIENS, LYON et GRENOBLES ont jugé ce barème des indemnités prud’homales contraire à la convention 158 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) et à la Charte sociale européenne.
Toutes deux ratifiées par la France, elles imposent que soient appliquées des indemnités adéquates et une réparation appropriée.
Ces jugements, qui ne seront certainement pas les derniers, constituent la première brèche dans l’édifice mis sur pied pour sécuriser les employeurs.
Nous espérons vivement que les Cours d’Appel respectives, dans leurs sagesses, viendront confirmer ces jugements de première instance.
Les prud’hommes sont devenus, comme le dit Monsieur le Président MACRON, « un véritable obstacle à la liberté d’entreprendre ». C’est pourquoi l’accès à la justice est rendu de plus en plus compliqué.
Après l’instauration de l’avocat obligatoire devant la Cour de Cassation, l’instauration d’un timbre fiscal finalement supprimé, la réduction des délais de prescription (cette liste n’étant pas exhaustive), c’est au tour du projet de loi de programmation 2019-2022 et de réforme pour la justice de s’insérer dans cette logique. Ce projet vise à restreindre encore un peu plus l’accès à la justice en incitant toujours plus aux voies alternatives au procès et en rendant obligatoire le recours à un avocat devant certaines juridictions.
Aucune des mesures adoptées par les lois successives n’améliore réellement la situation des précaires, des privés d’emploi et des justiciables.
Bien au contraire, on dégrade un peu plus les spécificités prud’homales. L’accès à la justice pour tous est notamment largement remis en cause au travers des attaques formées contre le principe de l’oralité des débats, de la conciliation et de l’orientation qui complexifient la procédure, de l’échevinage rampant de ce même bureau, de la requête, de la représentation obligatoire devant la Cour d’Appel et de la barémisation dont nous avons déjà parlé. Toutes ces mesures sont autant de moyens pour éloigner le justiciable qui voudrait saisir les prud’hommes.
Les réformes successives du droit du travail ont mis à mal la prud’homie dans son ensemble.
Nous assistons, sur le territoire national, à une baisse significative de l’enrôlement des affaires devant les conseils de prud’hommes entre 2017 et 2018. Concernant notre Conseil, il s’agit d’une baisse de moins 2.68% en section Commerce, moins 9% en section agriculture et moins 14.58% en section industrie.
Seules les sections Activités Diverses et Encadrement ont vu leurs saisines augmenté entre 2017 et 2018.
La baisse des recours devant les conseils de prud’hommes montre que la loi remplit son objectif qui était la baisse du contentieux prud’homal en matière de licenciement. Mais à quel prix ? Peut-être au prix des 630 000 licenciements qui ont eu lieu en 2018.
Pour en revenir plus concrètement au Conseil des Prud’hommes de REIMS, notre juridiction se compose de 72 conseillers, collège salarié et employeur confondus.
Sur ce chiffre théorique de 72 conseillers, nous ne sommes réellement que 67 conseillers présents à officier.
Sur l’année 2018, nous avons eu à connaitre 5 démissions, 2 au sein du collège Employeur, et 3 au sein du collège Salarié.
Pour cette année 2018, la durée moyenne totale des affaires présentées devant notre Conseil est de 10.2 mois, toutes sections confondues, au lieu des 13.5 mois de l’année 2017. Nous avons donc efficacement réduit le délai de traitement de nos dossiers.
Le nombre de départage a également sensiblement diminué, à savoir 23 PV de départage en 2018 contre 25 en 2017.
Nous avons eu 624 affaires nouvelles en 2018 pour 622 en 2017.
Nous avons 655 affaires en stock au 1er janvier 2019 contre 603 affaires au 1er janvier 2018.
570 affaires ont été terminées en 2018 contre 720 en 2017.
Concernant le Bureau de Conciliation et d’Orientation :
Nous avons eu 866 affaires audiencées en 2018 contre 686 en 2017.
Sur ces 866 affaires audiencées en 2018 :
– 276 ont été renvoyées en bureau de jugement pour être jugées.
– 466 ont fait l’objet d’une mise en état pour ensuite être renvoyées devant le bureau de jugement.
– 99 ont fait l’objet de radiations, retraits du rôle, de désistements ou de caducité.
– 25 ont fait l’objet d’une conciliation.
Ce faible taux de conciliation ne peut qu’être un regret pour les Conseillers que nous sommes mais nous ne pouvons malheureusement pas contraindre juridiquement deux parties à concilier lorsque celles-ci n’en émettent pas l’envie.
Après ces quelques chiffres, je tiens sincèrement à remercier l’ensemble des Conseillers qui se sont pleinement investis durant cette année 2018 car pour beaucoup d’entre eux, il s’agissait de leur première année d’exercice.
Je tiens également à remercier pour leur excellent travail l’intégralité du personnel de greffe sans lequel notre juridiction ne pourrait fonctionner. Ils savent faire preuve d’un grand professionnalisme et d’une grande écoute, tout comme ils savent se mettre à la disposition de l’ensemble des conseillers prud’homaux.
Je remercie également Madame FALEUR, juge départiteur de notre Conseil, pour son contact apprécié de tous, ainsi que pour sa grande disponibilité et ses avis plus qu’éclairés sur les dossiers pour lesquels nous l’avons consultés.
Merci également à Monsieur le Bâtonnier Olivier DELVINCOURT et à Madame la Vice-Bâtonnière Aude GALAND pour nos échanges cordiaux qui, je l’espère, se poursuivrons en 2019 avec le nouveau Président de notre Conseil.
Enfin, je tiens à remercier pour leur grande disponibilité Monsieur le Premier Président et Monsieur le Procureur Général. Nos relations de travail ont toujours été des plus constructives et votre écoute à l’égard de notre juridiction a toujours été sans faille.
En effet, vous avez su être à nos côtés lors de cette année 2018 et avez toujours répondu avec efficacité aux attentes que nous vous avions formulées. Encore merci…
Quant à moi, j’espère sincèrement avoir accompli du mieux possible la mission de Président qui m’a été confiée pour cette année 2018. Je pense l’avoir rempli avec dévouement et impartialité.
En ma qualité de Président sortant, je me dois de féliciter Monsieur Jean-Luc GERMAIN, élu Président du Conseil des Prud’hommes de REIMS lors de notre assemblée du 18 janvier dernier.
Je suis certain, Monsieur GERMAIN, que vous saurez officier avec grand dévouement et grand professionnalisme, tout comme vous l’avez fait lors de cette année 2018 à mes côtés en tant que Vice-président. Cela a été un grand plaisir de travailler à vos côtés durant cette année 2018 car nous avons su construire ensemble un esprit de travail commun dans l’intérêt premier de notre Conseil, doublé d’une réelle sincérité et de respect l’un envers l’autre.
Je sais que vous agirez de la sorte avec le nouveau Vice-Président du Conseil, Monsieur Gérard GOMBERT, que je félicite également pour son élection.
Mesdames et Messieurs, je vous remercie de votre attention.
Je déclare close l’année judiciaire 2018 et cède maintenant la présidence du Conseil des Prud’hommes de REIMS à Monsieur Jean-Luc GERMAIN, élu Président lors de l’Assemblée Générale du 18 janvier 2019.


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